Au terme de 37 ans de carrière, le professeur Georges Frêche donnait son dernier cours à la Faculté de droit devant des étudiants de 2e année.
Il régnait ce jour‑là une atmosphère tout à fait particulière à la Faculté de droit. Rarement un aussi grand nombre d’étudiants ‑ actuels et anciens ou d’autres disciplines ou universités ‑ rêvait de se glisser dans l’amphithéâtre et d’assister au cours, même assis par terre. Tout comme de nombreux Montpelliérains et journalistes qui n’étaient plus étudiants depuis longtemps…
Atteint par la limite maximale d’âge, fixée à 68 ans, Georges Frêche donnait son tout dernier cours à des étudiants de 2e année. Et l’instant a été forcément formidable.
Apartés
Tout au long de sa vie d’élu et de président de collectivités, Georges Frêche n’a jamais cessé d’enseigner. Diplômé d’HEC Paris, il a suivi ensuite des enseignements en sciences économiques et sociales mais il a aussi étudié l’histoire et le droit. Il rejoint d’abord la Faculté de droit de Paris puis il est nommé à celle de Montpellier en décembre 1969. Il ne l’a jamais quittée ensuite.
Agrégé des Facultés de droit, il était professeur honoraire d’histoire du droit à l’université de Montpellier I, après des enseignements de droit romain, d’histoire du droit et des idées politiques à l’UFR Droit et à l’UFR Sciences économiques. Les cours de Georges Frêche étaient réputés pour sortir quelque peu du cadre établi et du programme et faire place à de longs et riches apartés historiques avec, parfois, de savoureux commentaires sur l’actualité politique. C’était un puits de connaissances avec une voix de stentor et la plupart des étudiants buvaient ses paroles sur la marche du monde et les grands tournants de l’histoire.
20 ans
Mais, ce 29 mars 2007, conscient qu’une partie de sa vie s’achève, Georges Frêche, qui avait revêtu sa robe d’apparat, laisse échapper quelques larmes. « J’ai beaucoup de peine à l’idée de vous quitter. Je suis arrivé dans cette faculté il y a 37 ans et je ne les ai pas vus passer. C’est le miracle de cette faculté. Il n’y a pas de miroir, pas de glace et je ne me suis donc pas vu vieillir. Je ne me regardais que dans vos yeux. Alors, j’avais toujours 20 ans, comme vous ».
Et de s’adresser à ses étudiants comme une figure tutélaire aimante : « Restez libre. N’écoutez pas les conneries ambiantes que déversent les télés et les journaux (que n’aurait-il pas dit des réseaux sociaux aujourd’hui !). Faites attention aux modes et à l’air du temps. Réfléchissez par vous-même. » La presse locale a également retenu cette tirade qui a presque valeur d’épitaphe.
« La vie passe vite. Si un jour vous êtes malheureux, plongez-vous dans les livres. La culture, ça ne sert à rien, mais quel bonheur ! » Tout est dit. Fermez le ban !